par Jean de La Fontaine
Compère le Renard se mit un jour en frais,
et retint à dîner commère la cigogne.
Le régal fut petit et sans beaucoup d’apprêts :
le galant, pour toute besogne,
avait un brouet clair : il vivait chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
la cigogne au long bec n'en put attraper miette ;
et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
Ă quelque temps de lĂ , la cigogne le prie.
— Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
je ne fais point cérémonie.
A l'heure dite, il courut au logis
de la cigogne son hĂ´tesse ;
loua très fort sa politesse ;
trouva le dîner cuit à point :
bon appétit surtout ; renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande
mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
On servit, pour l'embarrasser,
en un vase à long col et d’étroite embouchure.
Le bec de la cigogne y pouvait bien passer,
mais le museau du sire était d’autre mesure.
Il lui fallut Ă jeun retourner au logis,
honteux comme un renard qu’une poule aurait pris,
serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
attendez-vous Ă la pareille.
"Le renard et la cigogne" a été publié dans le livre suivant :
Avec Images de André Hellé
Édition de 1946
URL: http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32337706g
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